Marché aux puces mi amor – un guide

[striped]Article en collaboration avec Tatie Mei (ma maman) ! [/striped]

Avertissement : Cet article traite des marchés aux puces à Tahiti. L’appellation « marché aux puces » désigne un marché où l’on vend principalement des objets d’occasion, mais où l’on trouve également des stands d’objets neufs tenus par des professionnels. Pour remédier à cette confusion, l’appellation « marché aux bonnes affaires » émerge de plus en plus. Notez qu’en Polynésie française, la réglementation limite à 4 par an le nombre de marchés aux puces pour les particuliers. Voilà, c’est tout, bonne lecture !

Qui n’aime pas faire des affaires ?

Ressentez-vous cette petite excitation, là, frétillant comme un masseur à piles au creux de votre poitrine ? Si la brigade psychiatrique ne risquait de débarquer, vous en oublieriez votre dignité humaine. « Bonnes affaires ! Bonnes affaires ! » Vous jureriez que vos pupilles sont en train de se dilater. D’ailleurs, vos instincts primaires se sont décuplés depuis le réveil. Vous avez flairé à des kilomètres ce mélange caractéristique et émouvant de poussière, de décrépit, de renfermé dans les caisses en plastique du garage et de grillades sauce Rocquefort. Vous vous mettriez à chahuter comme un chimpanzé, vous jetteriez sur les cartons, les éventreriez un à un tel un canin à l’affût de la précieuse moelle.
« Bonnes affaires ! Bonnes affaires ! » La clameur refoulée agonise dans votre gorge tandis que vous arrivez à hauteur du premier stand.
La vendeuse vous envoie un regard plein d’espoir. Vous lui renvoyez un regard plein d’espoir. Vous avez une connexion dévotionnelle (on respecte toutes les croyances).
Ils sont tous là – la collection de Martine dans un carton à même le sol qui aurait scandalisé votre mamie, la guitare classique et la planche de surf délaissées, le jeu de mémoire pour DS (on respecte toutes les croyances), le linge, le linge, le linge, le linge, la panoplie complète et un peu douteuse du nouveau-né (un paquet de Pampers offert pour la totalité).
Où se porte d’emblée votre instinct ? Quel élément vous fait de l’œil ? Ces chutes de tissu à motifs dont vous feriez une adorable couverture pour votre filleule (mais va-t-elle encore apprécier à son âge ?) ? Ce délicieux ensemble à thé ? Ces rollers pareils à ceux que vous aviez plus jeune ?
Bof ? Rien ? Alors peut-être faut-il regarder plus près, se pencher, mettre les mains dans les cartons comme un fermier dans la fange, fouiller, renifler ainsi que vous l’insuffle votre labrador intérieur… Les meilleures découvertes sont celles que l’on fait au fond d’une boîte d’annales du baccalauréat 2006.

Aux puces, on y va parce que... 
On peut flâner. On aime faire des affaires. On a besoin de faire des économies. On est un collectionneur de DVDs de Leonardo DiCaprio.
Ce qu’on est susceptible de trouver... 
Des livres (romans, scolaires, classiques, dicos, cuisine, guides de voyage, BDs, enfants, lots de magazines, etc.). Des habits et accessoires pour tous les jours de l’année. Du mobilier. De la vaisselle. Des jeux-vidéos. Des jouets. Des pièces détachées informatique, outillage. Son pharmacien. 
Ce qu’on n’a pas vraiment envie de trouver mais qu’on trouve quand même... 
Des bébés pit-bull à vendre. Un stand de sous-vêtements féminins neufs tenu par un patenté quinquagénaire mâle. Une brosse à dents pleine de surprise(s).
Ce qu’on n’a pas du tout trouvé...
L’ex de Vianney. La modération du PSG.

Les reines du shopping fauché

Je tiens ça de ma mère. Elle adore les trucs vintage et anglais comme le thé, les roses, les livres et Hugh Grant. Une armée de vieux bibelots fleuris chez soi, ça ne laisse pas beaucoup de place pour la rébellion. Bref, quand certains vont au marché, au foot ou à la messe, nous, le dimanche, on fait les puces. Ringard toi-même.
La passion m’est tombée dessus au détour d’un étalage qui ne payait pas de mine. Ça s’est passé il y a longtemps alors je ne m’en souviens pas très bien, mais je devais certainement être en train de râler pour rentrer à la maison. Et puis, tout à coup, je le vois. Juste ici, posé simplement, pourtant sa vision est comme une évidence.
En fait, je ne souviens pas non plus de ce que c’était, alors on va prétendre qu’il s’agissait d’une boîte à bijoux. Ouais, je sais, pas très fantaisiste, une boîte à bijoux. Disons une boîte à bijoux qui fait aussi boîte à musique. Get Lucky de Daft Punk*.
Donc : je vois la boîte à bijoux. 500 Fcfp (plutôt correct). Je l’ouvre. Une figurine de chat hoche la tête en rythme avec la mélodie. La vendeuse et moi, on se met à imiter le chat.
Ce jour-là, je repars chez moi avec la banane et ma boîte à bijoux funky sous le bras. J’ai fait ma première affaire et comme les habitués de casino, je suis accro.

Ainsi me retrouvé-je à accompagner ma mère à chacune de ses pérégrinations dominicales. L’histoire prend un nouveau tournant lorsque, se consultant du regard, on déclare : « Bon, on le fait cette fois ! » (Notez le point d’exclamation qui a davantage utilité de nous motiver que de marquer notre détermination.)
Et nous voilà le weekend suivant sous une tente étiquetée à notre nom, écrasées sous la chaleur tahitienne. Ma mère a pris son tour de garde auprès de la table frontale. Je suis allongée en retrait sur le peue à jouer au policier et au voleur avec le soleil. Toutes les deux, on est dans un état semi-comateux d’un réveil à 4h et de la frénésie de l’installation dans l’obscurité. La veille, en chargeant les cartons dans la voiture, j’avais pris conscience de mon erreur mais c’était trop tard. Un samouraï va au bout de sa mission.
A neuf heures, le plus gros de la clientèle est déjà passé. Calme plat. C’est alors que je m’aperçois qu’une dame s’est arrêtée devant notre stand. Silencieuse, elle soulève un vase. L’examine. Avec ma mère, on retient notre souffle. Elle le repose. Zut ! Elle daigne enfin nous adresser un regard et nous sourit poliment (mauvais signe). Puis elle se penche au-dessus des cartons de livres. Regain de foi…

Suspense…

C’est insoutenable…

… !
Elle repart aussi loquace qu’elle est arrivée.
Voilà à peu près à quoi ressembla notre première expérience de vendeuses. J’aurais bien poursuivi dans les détails mais cet article est déjà long-bon-sang-Teme-abrège-personne-n’a-envie-de-lire-des-pavés, donc en quelques mots : chaleur, fatigue, petits bénéfices. Il faut vraiment avoir envie de désencombrer ou alors tirer le diable par la queue pour s’y adonner de manière plus sérieuse (nous, on y était clairement pour jouer aux marchandes).
J’ai dû faire trois marchés aux puces en tant que vendeuse, dont une avec mes copines pour essayer ; ma mère quelques uns de plus parce qu’elle a davantage de choses à vendre et que ça l’amuse visiblement plus que moi.

*La chanson n’était pas sortie à l’époque, mais c’est mon imagination alors je fais ce que je veux.

[striped]Parmi les meilleures trouvailles de Teme
Un sac pour appareil photo, 5€ (600 Fcfp). Un passage chez le cordonnier est de rigueur mais en attendant il me sert vaillamment, et à ce prix-là on ne va pas chipoter. Deux guides de voyage pas trop obsolètes pour préparer un très prochain voyage (!), 400 Fcfp (environ 3,3€). Une sacoche en pandanus pour ordinateur, 200 Fcfp (soit environ 1,6 €). Le livre d’activités « Réveille la rue » de Kerri Smith, 200 Fcfp. Un beau pull en marinière blanc déniché par Maman.[/striped]
[striped]Parmi les meilleures trouvailles de Maman 
- Des soupières. Des paniers de pique-nique. Des assiettes en porcelaine. Des pichets et des vases. Des plateaux en bois et bambou. Des livres bon marché.[/striped]

Conseils amicaux à usage des apprentis marchands

À Tahiti surtout, c’est le four dès 8h/9h. Ajouté au réveil précoce, au stress du déballage des affaires dans le noir, aux rapaces matinaux qui fouillent les cartons que vous n’avez même pas fini de déballer (ouh, je leur aurais bien claqué les doigts à la règle, à ceux-là !), au fils (mais davantage le fils de son père que votre fils pour le coup) qui fait tomber le miroir qui avait appartenu à votre grand-mère… Mieux vaut avoir prévu une préparation militaire.

Réserver son emplacement. Il est payant, mais les organisateurs font parfois des réductions la veille s’il leur reste des emplacements libres.
A Tahiti, les marchés aux puces à venir sont signalés sur des banderoles accrochées aux alentours du lieu, avec un numéro de téléphone.
Dans les endroits qui accueillent régulièrement un marché aux puces : le stade de la Punaruu ; le centre commercial Tamanu à Punaauia ; Outumaoro à Faa’a (le terrain vague à côté de l’hôtel Beachcomber ou bien celui au-dessous du lycée hôtelier) ; la Sainte-Trinité à Pirae. Si vous en connaissez d’autres n’hésitez pas à les partager en commentaire et je complèterai la liste.
Note : au stade Punaruu et à la Sainte-Trinité, une tente/chapiteau est fournie avec l’emplacement (je ne sais pas ce qu’il en est pour les autres marchés).
Facebook est également un moyen de communication privilégié des organisateurs. Vous trouverez des liens vers des pages spécialisées ci-dessous.
Enfin, si besoin, savoir que certains organisateurs proposent de louer des tables, se renseigner au préalable.

Préparer les cartons et charger dans la voiture, tables, chaises et peue si vous en prenez, des activités pour passer le temps pendant les heures creuses.

Préparer le ravitaillement la veille, à moins de vouloir se retrouver à dépenser sa maigre recette de la matinée à la buvette. Nous, ce qu’on prévoit et qui fonctionne plutôt bien : pour le déjeuner, une bonne salade de riz/pâtes rapide à préparer. Le plein de fruits. BEAUCOUP D’EAU ! Et des petits gâteaux parce que vos nerfs vont être mis à l’épreuve.
Oui, il y a des toilettes sur place, mais attendez-vous à ce qu’elles soient payantes ou très énigmatiques.

Prévoir suffisamment de monnaie.

– Si vous êtes vraiment pointilleux, des sachets plastiques et cartons en rab (petit geste toujours apprécié, sauf écolos-activistes).

Réveil à 4h ou avant pour que le stand soit prêt avant l’aube, heure d’arrivée des premiers clients. Certains choisissent aussi de camper sur place.

– Mettre en valeur ses plus belles pièces, arborer un sourire avenant et voilà ! Bonne vente !

Différents profils que l’on peut croiser au marché aux puces. 
Le maître invaincu du marchandage. L’audacieuse qui achète tes objets pour les revendre dans son stand. La dame qui récupère des jouets pour en faire des dons caritatifs. La famille qui s’apprête à quitter le territoire et brade (mais pas toujours) ses affaires. Ceux qui ne sont pas certains de faire un bon chiffre d’affaire et vendent plantes et gâteaux pour couvrir le prix de l’emplacement. Le collectionneur d'objets culturels polynésiens. Le roublard qui prétend que l’argenterie appartenait à son arrière-grand-tante.

Liens utiles :

Le groupe Facebook « Marchés aux puces à Tahiti » (toutes les dates des marchés aux puces et ventes entre particuliers).
WIK’N Affaires (dates de marchés aux puces).
– Les comptes Instagram de Tatie Mei : son compte personnel et sa brocante.
Le top des détournements de « Martine ».


3 réflexions sur “Marché aux puces mi amor – un guide

  1. J’ai bien ri avec ton article ! Toujours la note d’humour qui rend la lecture très facile et fait qu’on arrive à la fin plus tôt qu’on pourrait le penser 🙂
    Je ne suis pas adepte des marchés aux puces, friperies et autres je t’avoue, mais j’ai pris beaucoup de plaisir à lire tes anecdotes et les encarts en gris en particulier 😉 Un très chouette article !

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    1. Merci ! 😀 Je dirais que tout ce qui est « shopping d’occasion » c’est un bon compromis quand t’as pas trop d’argent mais que tu as comme moi des épisodes de fièvres acheteuses ^^ Plus c’est bon pour l’environnement!

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